L’indignation des réseaux sociaux est une entrave majeure à la liberté d’expression

Alors qu’on avait tendance à considérer que la censure institutionnelle en Occident était généralement circonscrite aux éléments les plus extrêmes de la production littéraire – comme le négationnisme ou les appels au meurtre – les événements récents aux États-Unis et en France ont démontré le contraire. Les dernières années ont vu une remise en question de cette notion, et même la France a connu une situation où un livre destiné aux adolescents a été interdit en raison de son contenu jugé immoral. Parallèlement à cela, un autre phénomène persiste : la montée en puissance de la pression morale exercée par les réseaux sociaux sur les œuvres artistiques. Ces œuvres ont traditionnellement joué le rôle d’avant-garde ou de reflet de la réalité, même si cela implique de susciter des perturbations.

Lire entre les lignes

En 2022, le rapport intitulé “Lire entre les lignes : Race, Équité et Édition de Livres” publié par PEN America a mis en lumière les persistantes barrières au succès commercial pour de nombreux auteurs “racisés”, tout en exposant un éventail étendu de lacunes systémiques dans la promotion d’une approche inclusive et diversifiée de l’édition.

Le rapport souligne comment des mouvements tels que Black Lives Matter et #MeToo ont incité les éditeurs à réaffirmer leur engagement envers la responsabilité, la représentation et la justice sociale. Néanmoins, ce travail est encore inachevé, et PEN America exhorte les éditeurs à réévaluer certaines de leurs conventions fondamentales, allant de la structure des avances aux normes du processus d’acquisition, afin de créer de meilleures opportunités pour les auteurs issus de divers horizons et ayant des degrés variés d’accès à l’industrie.

Liberté Littéraire, Indignation en Ligne et Les Mots qui Blessent

Le rapport actuel, “Booklash : Liberté Littéraire, Indignation en Ligne et Les Mots qui Blessent”, réalisé par PEN America, se penche sur les conséquences de l’emprise des réseaux sociaux, où la susceptibilité à l’indignation sans restriction impose de nouvelles exigences morales aux auteurs et à leurs œuvres. Cette situation conduit à une diminution de l’expression littéraire et favorise une tendance à la censure et à l’autocensure, restreignant ainsi la liberté créative et imaginative des écrivains.

Pour étayer ce rapport, PEN America s’est appuyé sur des recherches documentaires approfondies à partir de sources publiques et sur des entretiens avec plus d’une vingtaine de professionnels de l’industrie, notamment des éditeurs, des responsables d’édition, des agents littéraires, des auteurs et des avocats. Parmi les personnes interrogées, 14 avaient personnellement vécu ou participé à des situations où un livre avait été annulé ou modifié.

Le rapport met en évidence que bien que les retraits de livres en réponse à la critique soient rares et souvent dus à la pression d’une minorité bruyante, ils ont des répercussions significatives, limitant la prise de risque de la part des éditeurs et des auteurs.

16 cas de retraits de livres

En examinant 16 cas de retraits de livres par des auteurs ou des éditeurs, le rapport révèle que ces retraits ne sont pas liés à des allégations de désinformation factuelle, de glorification de la violence ou de plagiat. Au contraire, la teneur des propos ou l’auteur lui-même ont été jugés offensants. Cette approche reflète des tendances de censure à la fois de la droite et de la gauche politique, qui rappellent les actions visant à retirer des ouvrages des écoles et des bibliothèques.

PEN America souligne également que la littérature Young Adult est devenue un terrain de nombreuses controverses, car les lecteurs et les auteurs engagés, principalement issus des jeunes générations, sont sensibles à l’inclusivité et réactifs aux stéréotypes potentiellement offensants dans la littérature.

Le rapport souligne la multiplication des cas où le personnel des grandes maisons d’édition s’oppose à des contrats de livres avec des écrivains qu’ils estiment promouvoir des idées problématiques. Cette tendance met en question la manière dont ces éditeurs définissent leur mission et leurs obligations morales.

Enfin, PEN America dénonce une approche identitaire de la littérature qui limite la liberté d’imagination essentielle à la création littéraire. L’organisation appelle à préserver la diversité et l’équité sans utiliser ces valeurs pour censurer les auteurs ou leurs œuvres.

En conclusion, PEN America encourage une discussion ouverte sur les livres sans priver les lecteurs de la possibilité de se faire leur propre opinion. L’organisation appelle à faire de la place aux livres controversés et à protéger la liberté littéraire face aux campagnes de retrait et de harcèlement des auteurs.

Le rapport complet est à découvrir ici.

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