Une librairie progressiste à Hong Kong a été contrainte de fermer ses portes sous l’impulsion des autorités

Le week-end dernier, des centaines de personnes se sont réunies devant la librairie indépendante Mount Zero pour lui rendre un dernier hommage. La boutique, qui comptait deux étages, était remplie de fidèles clients et de curieux qui avaient formé une communauté au fil des six dernières années. La fermeture de la librairie survient après une série d’inspections suite à des plaintes anonymes.

La fermeture de Mount Zero : une illustration des tensions politiques à Hong Kong

Après avoir été confrontée à de multiples accusations d’infractions mineures, telles que l’occupation illégale de l’espace public devant sa devanture, l’équipe de Mount Zero, située dans une ruelle tranquille de Hong Kong, a finalement capitulé.

Établie depuis près de six ans, cette librairie indépendante a été le témoin privilégié des moments cruciaux de l’histoire récente de Hong Kong, depuis les manifestations pro-démocratie jusqu’à la répression politique de Pékin. Pour ses clients, la fermeture de cette librairie progressiste semble être une conséquence directe des tensions politiques actuelles. « Ces librairies sont des oasis pour les amateurs de livres, et leur perte est regrettable », déplore Leo, un étudiant en informatique, selon des propos rapportés par l’AFP.

Ivan Choy, expert en sciences politiques et participant, souligne que la fermeture de Mount Zero met en lumière le fossé entre la normalisation annoncée par les autorités et la réalité vécue par les citoyens.

Mount Zero : Une Oasis Culturelle Éphémère Menacée

Fondée en 2018, Mount Zero s’est distinguée en tant que carrefour culturel grâce à l’organisation d’événements variés, tels que des débats littéraires et des concerts, créant ainsi une véritable communauté. Margaret Ng, avocate et ex-politicienne, a perçu cette librairie comme un lieu de convergence pour des lecteurs partageant des visions similaires, soulignant l’importance cruciale de tels espaces pour l’expression et la créativité des jeunes.

Malgré son rôle dynamique, Mount Zero a été confrontée à une série d’inspections souvent anonymes, espérant en vain que les plaintes cessent. Face à ces visites incessantes, la librairie a finalement annoncé sa fermeture en décembre dernier, déclenchant ainsi une vague de soutien.

Des messages tels que “Les livres rendent toujours la vie plus vibrante ! Merci” ont été laissés dans un cahier à l’intérieur de la boutique, selon Hong Kong Free Press.

Dans les derniers moments de l’établissement, les habitués sont demeurés à l’extérieur, partageant du vin et du porc barbecue, réticents à quitter ce lieu emblématique. Judy, une habitante du quartier, a exprimé un sentiment partagé : “Mount Zero m’a donné de la force depuis le mouvement social… Je savais que je n’étais pas seule.”

Le pouvoir renforce son emprise

Depuis l’instauration de la loi sur la sécurité nationale en 2020, la communauté culturelle de Hong Kong vit dans la crainte de la censure, exacerbée par les pressions des inspections gouvernementales.

Cette législation, imposée par la Chine à Hong Kong le 30 juin 2020, marque un tournant majeur dans l’autonomie et les libertés de cette région administrative spéciale. Elle vise officiellement à prévenir, arrêter et punir quatre types d’activités criminelles considérées comme menaçantes pour la sécurité nationale : la sécession, la subversion contre le pouvoir de l’État, les activités terroristes, et la collusion avec des forces étrangères ou extérieures pour mettre en danger la sécurité nationale.

Cette loi a été adoptée en réponse aux vastes manifestations pro-démocratie qui ont secoué Hong Kong en 2019, et elle est perçue par Pékin comme un moyen nécessaire pour rétablir la stabilité dans la région.

Cependant, ses détracteurs affirment que sa portée est si vaste et ambiguë qu’elle peut être utilisée pour réprimer toute forme de dissidence et affaiblir le principe « Un pays, deux systèmes » promis à Hong Kong lors de sa rétrocession à la Chine en 1997. Elle autorise également les agences de sécurité nationale chinoises à opérer ouvertement à Hong Kong et permet l’extradition vers la Chine continentale dans certains cas.

Avec l’application d’une seconde loi sur la sécurité nationale à la fin de mars, les défenseurs des droits s’inquiètent de la possible répression de toute expression pro-démocratique et de l’érosion des libertés culturelles.

Cette nouvelle loi introduit de nouvelles infractions punissables, telles que la trahison et l’insurrection, avec des peines pouvant aller jusqu’à la réclusion à perpétuité. Elle autoriserait également la détention sans inculpation pendant seize jours et interdirait l’accès à un avocat pendant cette période. De plus, elle élargit la définition de « sédition » et augmente les peines maximales associées. Malgré le soutien majoritaire obtenu lors des consultations publiques selon les autorités de Hong Kong, des critiques expriment des inquiétudes quant à son impact sur la liberté d’expression.

Parmi ceux accusés d’atteinte à la sécurité nationale, Jimmy Lai, ancien magnat de la presse et figure de l’opposition à Hong Kong, plaide non coupable face aux accusations et risque toujours la prison à vie.

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