Dans le monde de l’édition, il existe des métiers passionnants et parfois méconnus qui façonnent les livres que nous lisons. Parmi eux, le métier de traduction littéraire occupe une place centrale, permettant aux lecteurs de découvrir des œuvres provenant de cultures et de langues différentes. Aujourd’hui, nous souhaitons mettre en avant le témoignage d’une traductrice professionnelle, Emmanuelle Casse-Castric.
Une traductrice professionnelle passionnée
Je suis traductrice professionnelle dans l’édition. Ça veut dire que c’est mon métier pour de vrai, je ne suis pas une prof’ qui fait de la trad’ à côté comme loisir. J’assume ce choix qui a des conséquences positives sur ma vie de famille et ma santé mentale, et négatives sur notre niveau de vie et peut-être sur mon statut social (mais ça, ça me passe vraiment tellement au-dessus…).
Depuis toujours j’ai une passion pour les livres, surtout la fiction, et comme je suis tombée amoureuse de l’anglais après avoir commencé par l’allemand en 6e… mon goût pour l’écriture a achevé de me faire passer du côté de la traduction. J’ai aussi vécu en Amérique du Nord (États-Unis, Canada). J’ai obtenu l’agrégation d’anglais en 2005, et en 2006 j’ai soutenu avec succès un master pro de traduction littéraire, et un master recherche en traduction et linguistique, à l’université Paris 7. Et voilà comment je me suis retrouvée à exercer ce métier un peu insolite depuis mon entrée « dans la vie active », comme on dit.
La diversité et les défis de la traduction littéraire
J’ai commencé par la fiction jeunesse/ado et c’est vraiment une littérature que j’adore, très riche et vivante, et dont je suis restée proche par goût, et aussi parce que j’ai des enfants. Cependant je ne m’y cantonne pas, et d’ailleurs c’est quelque chose que j’apprécie énormément : contrairement à ce que certains peuvent penser, mon métier n’est pas du tout monotone !
Oui, je suis pratiquement toujours devant mon ordinateur, mais selon le livre que je traduis, je voyage, j’apprends des choses, je trouve des liens inattendus… Et comme je m’intéresse à beaucoup de domaines, cela me correspond très bien.
Petit éventail de sujets que j’ai abordés par le biais de mon travail :
- La fabrication artisanale de la bière
- La mythologie grecque
- Les runes
- La pédagogie Montessori
- La photographie artistique
- Le folklore russe
- La lithothérapie
- La sorcellerie
- Le minimalisme
- Les armes japonaises
- La cuisine coréenne…
Selon le type de document, le travail n’est pas exactement le même non plus.
Pour un roman, on cherche à transcrire le style de l’auteur, à recréer l’atmosphère de l’histoire, il s’agit d’embarquer le lecteur ! Pour un livre pratique, on veut avant tout rendre accessible un contenu, en s’assurant que l’approche et les équivalences sont compréhensibles pour le lectorat.
Pour la BD et les livres avec beaucoup d’illustrations, le respect du calibrage (le nombre de signes) est très important, car il faut que le texte rentre dans l’espace qui lui est dédié.
Mais bien sûr les genres ne sont pas imperméables, et c’est justement au traducteur d’adapter sa méthode et sa plume à l’ouvrage qu’il a sur son lutrin (enfin, ça, c’est de plus en plus rare : on ne m’envoie plus guère que des fichiers pour la VO).
Chaque fois qu’une éditrice me propose un nouveau livre, c’est toujours un pic d’excitation incroyable ! Je suis curieuse de découvrir le projet, j’ai hâte de voir quels défis je vais avoir à relever, ce que je vais apprendre… Je ne m’en lasse pas.
Aspects appréciés et moins appréciés de la profession
- Mon premier livre est sorti il y a 16 ans
- J’ai traduit plus de 60 ouvrages
- Parmi lesquels 8 BD/romans graphiques, 8 livres de recettes et plus de 30 romans
- J’ai travaillé avec 7 éditeurs différents
- Je traduis 1 langue : l’anglais
5 choses que j’aime dans mon activité de traductrice littéraire :
- Boire autant de tasses de thé que je veux
- Pas besoin de stresser si un de mes enfants est malade, je peux prendre ma journée sans rien demander à personne (par contre, si ça se prolonge, ça devient compliqué !)
- Aller nourrir mes poules le matin, prendre une pause désherbage ou semis, contempler mon jardin pour trouver l’inspiration (eh oui parfois le traducteur a besoin d’être inspiré…)
- Vivre de ma passion pour les livres
- Recevoir mes justificatifs avec mon nom dessus
5 aspects liés à mon activité que je n’aime pas
- Quand on me demande si je vais « reprendre l’enseignement » alors que je n’ai enseigné que 4 ans à petites doses vs +10 ans de traduction littéraire…
- Un planning à trous qui parfois ressemble plus à de l’emmental qu’à du comté
- Quand je rends mon travail et que… je dois demander si mon fichier a bien été reçu
- Mes revenus très très modestes
- Les démarches avec l’administration (presque jamais de « case » pour les artistes auteurs)