À travers cet article, Frédéric Capmartin partage son expérience en tant que jeune écrivain. Son parcours, bien que débutant, lui a permis d’identifier les pièges à éviter ainsi que les voies à privilégier dans le monde de l’écriture et de l’édition. Ce retour d’expérience s’étend sur trois années d’efforts et de démarches.
Welcome to the jungle
En 2020 j’ai entre les mains mon premier roman. Il est achevé mais pas encore édité. Le dernier acte est un roman d’anticipation. Je me mets donc en quête d’une maison d’édition susceptible de le porter. Et là, je m’aperçois que c’est une vraie jungle.
Deux types de maisons d’édition
Il y a les maisons d’édition dites à compte d’éditeur, qui prennent à leur charge l’intégralité des coûts liés à la sortie du livre.
Et puis il y a les autres. Celles-là se font appeler maison d’édition à compte d’auteur. Là c’est vous, l’auteur, qui payez. Tout. Maquette, correction, impression, promotion… Si on additionne tous ces frais on peut facilement monter à plusieurs milliers d’euros.
Évidemment ces maisons d’éditions sont ravies de vous vendre ces services en vous rappelant qu’il ne faut pas regarder à la dépense quand il s’agit de sortir un si beau projet. Mais que font-elles alors ? Elles vous référencent. C’est à dire qu’elles inscrivent votre livre sur différentes plateformes d’achat en ligne et sur une plateforme de commandes spécifique aux librairies (Dilicom).
Or ça on peut tout à fait le faire soit-même en auto-édition.
J’ai donc rapidement laissé tomber ces maisons à compte d’auteurs pour me concentrer uniquement sur celles à compte d’éditeur. Les « vraies ».
Sélectionner, envoyer… et prier
Parmi les maisons à compte d’éditeurs, on va vite tomber sur les mastodontes (Albin Michel, Calmann Levy, etc…) mais il existe également des centaines de moyennes ou petites maisons indépendantes. C’est impressionnant ! Alors j’ai sélectionné une trentaine d’éditeurs de toute envergure, des généralistes, comme des thématiques, en veillant toutefois à entrer dans leur lignes éditoriales. J’ai envoyé mon manuscrit (plus tout ce qui va avec : synopsis, biographie…) Et j’ai attendu.
J’attends encore…
Car elles ne répondent pas toujours, loin de là.
C’est comme à la pêche (même si je ne pêche pas). On tire des lignes et on attend que ça morde. Sauf que les minutes deviennent des mois… Et puis un jour, alors qu’on n’y croyait plus, un des flotteurs se met à bouger !
Bienvenue chez prem edit…
Prem edit, une maison « dite » à compte d’éditeur?
Si on en croit le site edit-it.fr – un site très pratique pour trouver une maison d’édition – la maison Prem Edit est un éditeur à compte d’éditeur… Je l’avais sélectionné comme petite structure, faute de décrocher le graal chez un gros éditeur.
Et un beau matin j’ai la (bonne) surprise de recevoir un mail de leur part : mon roman, Le Dernier Acte, avait retenu leur attention.
Rapidement un contrat d’édition m’est envoyé.
- Premier hic, ils ne font pas de corrections. Ah. En revanche ils proposent gracieusement la création de la couverture et la mise en page du livre. OK. Mais vu la qualité de leur production, je préfère m’en charger moi-même.
- Second hic, il faut que je m’engage à commander pour mon stock personnel 50 exemplaires. À tarifs préférentiel certes, mais quand même… J’achète donc mon stock. Ils sont sensés assurer la diffusion et la promo derrière, rédiger un communiqué de presse, m’inscrire sur des salons… Alors je m’exécute, pensant qu’il est normal que je fasse « ma part ».
Le livre sort et je reçois assez vite mon carton d’exemplaires. Je dois dire que le rendu est beau. Le livre est de bonne facture. Je suis satisfait sur ce point. Mais quid de la diffusion et de la promotion ? Et là, rien ne va plus.
La diffusion pour les nuls, en pire
Parlons diffusion. Comme évoqué plus haut, diffuser un livre, c’est donc faire en sorte qu’il soit disponible à l’achat. C’est à dire publié sur les boutiques en ligne et référencé auprès des plateformes de commande des libraires (Dilicom).
Prem Edit à publié mon livre sur son propre site internet (qui semble sorti d’une autre époque, mais passons), sur certaines librairies en ligne, et sur la plateforme Dilicom. Bon. Jusque là c’est conforme à ce qui m’avait été annoncé.
Étrangement, je ne le trouve pas sur Fnac.com. Je fini par obtenir la réponse : « La Fnac c’est des voleurs, ils prennent 40% de commission, nous ne traitons plus avec eux ». Je tique, mais en un sens, je peux comprendre.
Je découvre mon livre sur Amazon. Je connais le principe de l’impression à la demande que pratique la firme de Jeff Besos. Aussi, je décide d’en commander un afin de le comparer à mes exemplaires fraichement imprimés en France. Là, (mauvaise) surprise : la couverture est d’une qualité déplorable (pixelisée) et mal cadrée, et…. la tranche n’est pas imprimée.
Je relance au moins trois fois mon éditrice pour obtenir une réponse. Celle-ci me scotche : « Chez Amazon, c’est normal, ils n’impriment jamais la tranche. »
Si c’est normal, pas de soucis alors !
J’ai été obligé de leur demander de retirer la référence sur Amazon et de créer mon propre compte Amazon KDP afin de publier proprement mon roman sur la plateforme. Car évidemment Prem Edit avait bâclé le travail.
Cela fait, j’ai commandé un exemplaire Amazon, et ce coup-ci c’était tout à fait correct.
Bon, côté diffusion, c’est largement perfectible. Mais peut-être qu’ils se rattrapent sur la promotion !
La promotion? C’est quoi?
On ne va pas se mentir, faire la promotion d’un livre lors de sa sortie demande du travail. Et Prem Edit devait m’accompagner sur cet aspect. « Bien sûr vous ne serez pas sur les plateaux Tv, il ne faut pas rêver » m’avait averti Sophie, mon éditrice, au moment de signer le contrat. J’avais ri poliment à la remarque. Loin de moi l’idée d’atteindre une telle notoriété, j’étais toutefois en attente d’un minimum de com de leur part. Mais… Rien. Nada.
Pas même une publication sur leur Facebook.
Ils étaient censés me faire passer un communiqué de presse. Malgré mes réclamations, je ne l’ai jamais reçu. J’ai dû le faire moi-même.
Ils étaient censés m’inscrire à des salons du livre.
Là encore, il ne s’est rien passé.
J’ai donc appris à me débrouiller seul. Un peu comme en auto-édition. Sauf qu’en auto-édition, ce n’est pas seulement 10% de commissions sur les ventes qu’on touche mais l’intégralité de celles-ci.
Et quid de la distribution ?
Côté distribution, c’est à dire placer le livre physiquement dans les librairies, là ils avaient été clairs dès le début : pas de contrat de distribution chez Prem Edit. C’est à l’auteur de démarcher les libraires. Au moins sur ce point, ils ne m’avaient pas menti. En creusant la question je me suis aperçu que bons nombre de maison d’édition n’avaient pas de distributeur. Or, c’est bien le plus important. Car à quoi bon être diffusé, donc référencé sur des plateformes, si personnes ne sait que vous existez ? Il y a aussi pas mal de maisons d’éditions À COMPTE D’AUTEUR (souvenez-vous, là c’est vous qui payez tout, et plein pot) qui appâtent les auteurs en valorisant leur contrat de distribution avec HACHETTE LIVRES, pour ne citer qu’eux. Si le nom fait rêver, le procédé est minable. Car, certes vous allez vous retrouver dans les listings des auteurs distribués par Hachette Livres, mais vous ne serez qu’une goutte au milieu d’un océan. Pas même un poisson.
Or comment ça se passe concrètement ? Les commerciaux des distributeurs passent voir leurs points de ventes (librairies physiques) et leur proposent uniquement les références susceptibles de vendre. Les gros poissons. Il est donc préférable de regarder du côté des maisons d’éditions qui traitent avec des distributeurs indépendants (comme Pollen). Peut-être que leur réseau sera plus réduit, mais ils oseront plus volontiers pousser le roman d’un inconnu dans les rayons.
Comment changer d’éditeur?
Suite à mes déconvenues avec Prem Edit, j’ai décidé de rompre mon contrat. Cela s’est fait assez facilement. Ce qui est compliqué c’est le déréférencement du livre sous l’étendard Prem Edit. Ce n’est tout simplement pas possible.
Mon livre est toujours sur les plateformes, à leur nom. Ça fait plus d’un an que mon contrat est rompu et je suis toujours présent sur leur site internet. Quant à l’option de faire ré-éditer Le Dernier Acte ailleurs, là aussi c’est quasiment impossible. J’ai essayé mais je me suis heurté encore et toujours à l’objection : nous n’éditons que des romans inédits (à part certains ouvrages d’envergures). J’ai donc récupéré mes droits quant à l’exploitation du Dernier Acte mais je suis contraint de continuer à le faire vivre en auto-édition désormais.
nouveau roman, nouvel éditeur
Je viens de sortir mon second roman, Red Cloud, aux Éditions Spinelle. Certes ce n’est pas le Graal, mais au moins ils sont transparents sur ce qu’ils proposent ou non. Leur site est plutôt complet à cet égard. Pas de fausses promesses. Ils se cantonnent à mettre en page et diffuser le livre assez largement (également à la Fnac). La distribution et la promotion sont évoqués à travers un partenaire, spreadboek.com, mais cet aspect reste nébuleux. Seul forme concrète en termes de promotion : ils sont actifs sur les réseaux sociaux. Donc, là encore, il faut se remonter les manches pour espérer un minimum de visibilité. C’est ça le monde de l’édition. Une jungle au sein de laquelle on progresse difficilement, armé.e de sa machette, jouant des coudes pour se tailler une place au soleil.
J’ai eu l’agréable surprise récemment de recevoir Le Prix du Jury, dans le cadre d’une concours de nouvelle organisé par La Confrérie des Encres Sympathiques, une association partenaire du salon du livre tourangeau Polar Sur Loire. Une distinction appréciable qui est venue récompenser l’écriture de ma nouvelle L’artiste. Un petit pas dans le monde impitoyable de l’édition, mais un grand pas pour moi.
Je propose aux abonnés d’Edition Actus de partager le lien de la nouvelle : l’Artiste.