Le 20 décembre 2024, le Ministère de la Culture, du Sport et du Tourisme de Corée (MCST) a annoncé l’arrestation en novembre de l’opérateur présumé des sites pirates Nunu TV, TVWiki et OKTOON. Les deux premiers offraient des services de streaming illégal, tandis que le dernier proposait le téléchargement illégal de webtoons. Les autorités ont également saisi les domaines associés.
Un coup de filet majeur contre la piraterie numérique en Corée : arrestation de l’opérateur d’OKTOON
Les autorités coréennes ont mené une enquête approfondie sous la direction du ministère de la Culture, du Sport et du Tourisme (MCST), épaulées par une coopération internationale comprenant le bureau des enquêtes de sécurité intérieure des États-Unis en Corée, INTERPOL et d’autres agences internationales, ainsi que le bureau des procureurs du district de Daejeon et l’agence de police métropolitaine de Busan.
L’opérateur présumé du site pirate OKTOON, dont l’identité reste confidentielle, avait conçu un système sophistiqué pour reproduire illégalement des webtoons. Il exploitait des comptes utilisateurs de plateformes légitimes pour copier et diffuser du contenu protégé par des droits d’auteur.
Mobilisation des autorités et plan d’action ambitieux
Jeong Hyang-mi, directrice du bureau des droits d’auteur du MCST, a salué cette arrestation comme « la plus grande réussite depuis la mise en œuvre du ‘Plan d’éradication de la distribution illégale de contenu K’ et la création de l’équipe d’investigation des crimes de droits d’auteur ».
Ce plan, annoncé en juin 2023, vise à combattre la distribution illégale de contenu coréen en mobilisant plusieurs ministères, notamment ceux des Sciences et des TIC, des Affaires étrangères et de la Justice, en coopération avec des agences internationales et des partenaires privés. Il répond à la directive du président Yoon Suk Yeol, visant à concevoir une stratégie nationale ambitieuse pour éradiquer ce fléau.
Une stratégie articulée autour de quatre piliers
- Rapidité et Sévérité : Blocage immédiat des sites illégaux et renforcement des sanctions.
- Coopération : Partenariats internationaux pour partager les informations et mener des enquêtes conjointes.
- Science : Adoption de technologies avancées pour détecter les plateformes illégales et analyser les preuves numériques.
- Changement : Sensibilisation du public à l’importance du droit d’auteur et éducation des jeunes générations.
Un responsable gouvernemental avait souligné à l’époque : « Cette mesure robuste réduira considérablement les activités illégales exploitant les créateurs de contenu, tout en renforçant nos valeurs sociétales de justice et de bon sens. »
Une avancée significative dans la lutte contre la piraterie
L’arrestation de l’opérateur d’OKTOON démontre l’efficacité croissante de ces mesures et envoie un message clair : les acteurs de la piraterie en ligne ne peuvent plus se soustraire à la justice. Comme l’a affirmé Jeong Hyang-mi : « Les opérateurs de sites illégaux qui menacent les droits des créateurs nationaux ne peuvent plus échapper à notre réseau d’investigation. »
Lutte internationale contre la piraterie : le webtoon et les K-dramas en ligne de mire
En 2024, les industries du webtoon et des K-dramas, moteurs de la croissance culturelle coréenne, intensifient leurs efforts contre la piraterie numérique, en collaboration avec des acteurs internationaux.
Une mobilisation coordonnée à l’échelle mondiale
Cette année, la « Opération Animes », menée conjointement par l’Association japonaise de distribution de contenu à l’étranger (CODA) et l’Association de promotion des droits d’auteur à l’étranger (COA) de Corée du Sud, a ciblé des sites pirates au Brésil. L’opération a abouti à la fermeture de 16 sites en avril 2024, après avoir déjà suspendu 36 autres précédemment. Des poursuites judiciaires restent en cours contre plusieurs opérateurs.
De son côté, l’entreprise coréenne Naver Webtoon a intensifié sa lutte contre le piratage en fermant 150 sites redistribuant illégalement ses contenus, totalisant 2,5 milliards de visites annuelles. Parmi eux, aquamanga.com attirait à lui seul 61 millions de visiteurs en septembre 2023. Naver Webtoon a engagé des démarches judiciaires aux États-Unis pour identifier les administrateurs de ces sites via le réseau Cloudflare.
Shueisha : une approche juridique innovante
Le géant japonais de l’édition, Shueisha, a également lancé une offensive juridique, exploitant l’article 1782 du Code des États-Unis. Cette disposition lui a permis de demander à un tribunal californien l’autorisation d’interroger Google, PayPal et VISA afin de collecter les données personnelles des opérateurs de sites pirates. L’objectif est de poursuivre ces derniers au Japon pour violations de droits d’auteur et concurrence déloyale.
Une industrie stratégique menacée
L’impact économique de la piraterie est colossal pour l’industrie culturelle coréenne, qui représente un levier essentiel pour l’économie nationale. En 2021, les exportations de contenu coréen, comprenant K-dramas, K-pop et webtoons, ont atteint 12 milliards d’euros, surpassant des secteurs industriels majeurs.
Cependant, la piraterie freine cette expansion. Des séries comme Extraordinary Attorney Woo ou The Glory ont été massivement diffusées via des plateformes illégales comme Noonootv, entraînant des pertes estimées à 5 trillions de wons (3,9 milliards de dollars), selon Park Bo-gyoon, ancien ministre de la Culture, des Sports et du Tourisme.
Les webtoons en pleine croissance, mais sous pression
L’industrie du webtoon a connu une hausse de 16,8 % de ses ventes en 2022, atteignant 1,25 milliard d’euros. Les plateformes de distribution ont enregistré une croissance de 36,8 %, mais les revenus des auteurs, eux, ont chuté de près de 20 %. En France, les webtoons séduisent environ 5 millions de lecteurs quotidiens en 2024, un marché prometteur mais vulnérable face à la piraterie.
Une riposte en évolution
Avec des initiatives comme celles de Shueisha, Naver Webtoon et des autorités coréennes, la lutte contre la piraterie numérique s’intensifie. Ces efforts visent non seulement à protéger les créateurs mais aussi à préserver une industrie culturelle stratégique, essentielle pour l’économie et l’influence internationale de la Corée.