Monique Levi-Strauss, épouse de l’anthropologue, avait confié à l’éditeur Le Seuil des dessins recueillis dans les années 1930 lors d’un séjour chez les Caduveos. Ces motifs, peints par les femmes sur le corps, furent reproduits sur papier et offerts en remerciement des « perles de verre multicolores » que Claude Levi-Strauss leur avait données. Ces œuvres ont donné lieu à un ouvrage publié par la maison, intitulé Peintures caduveo.
La découverte inédite des dessins caduveo de Claude Lévi-Strauss publiée par Le Seuil
Lors d’un séjour ethnographique au Brésil en 1935-1936, Claude Lévi-Strauss est profondément marqué par les peintures corporelles des Indiens Kadiwéu, percevant en elles un « style » structuré autour d’un « système ». Bien des années plus tard, Monique Lévi-Strauss fait une découverte précieuse : une pochette contenant plus d’une trentaine de dessins originaux offerts à son mari par des femmes caduveo (nom occidentalisé à l’époque), en remerciement des dons de papier, crayons et perles qu’il leur avait remis lors de son voyage.
Ces documents, jusqu’alors restés inédits, s’inscrivent dans une démarche d’anthropologie sociale et structurale, véhiculant une vision unique de la société et du monde caduveo. Pour la première fois publiées, ces œuvres sont accompagnées des chapitres correspondants de Tristes Tropiques, dans lesquels Claude Lévi-Strauss explique leur fonction. Les dessins, mélangeant symétrie géométrique et courbes asymétriques, illustrent la complexité de la société caduveo, à la fois égalitaire et hiérarchisée.
Monique Lévi-Strauss, en tant que gardienne de ces précieux documents, a décidé de les rendre accessibles aux chercheurs. Dans un texte accompagnant l’ouvrage, elle explique : « J’ai pensé qu’il serait sage de les publier pour les rendre accessibles aux chercheurs. Maurice Olender, à qui j’en parlais, m’a approuvé. » Elle ajoute également que la publication de ces documents permettra aux anthropologues de mieux comprendre les décors faciaux des femmes caduveo.
Le volume, publié par les Éditions du Seuil, présente ces dessins en couleur, en regard des passages de Tristes Tropiques, enrichissant ainsi la compréhension de la culture caduveo et l’œuvre de Claude Lévi-Strauss.
La publication de Peintures caduveo suspendue en raison de négociations en cours
L’historien franco-belge Maurice Olender, qui avait intégré les Éditions du Seuil, a supervisé la revue Le Genre humain ainsi que la collection La Librairie du XXIe siècle, fondée en 1989. Décédé en octobre 2022, il a laissé son poste de responsable à Christine Marcandier, docteure en littérature française, qui dirige désormais la collection depuis septembre 2023.
Le livre Peintures caduveo – Suppléments à Tristes Tropiques*, avec une préface signée Michel Pastoureau, historien et cousin de Claude Lévi-Strauss, devait paraître le 15 novembre. Dans sa préface, Pastoureau propose une réflexion originale, abordant les dessins caduveo comme un « exercice expérimental » en les comparant aux blasons de l’héraldique européenne, tout en explorant le paradoxe des dessins, habituellement animés par le mouvement des corps, désormais figés sur le papier.
Cependant, comme l’a rapporté ActuaLitté, la publication a été suspendue, et le livre a été retiré de la vente sans explication préalable. Les librairies ont été informées par Media Diffusion de ne pas commercialiser les exemplaires reçus. Un libraire a indiqué avoir reçu cette demande la veille de la mise en vente, et le distributeur a exigé le retour de l’intégralité du stock, aux frais de l’éditeur.
Le groupe Media Participations, propriétaire du Seuil, a expliqué que cette suspension était due à la nécessité de poursuivre les discussions avec les représentants du peuple kaduwéu, dont les dessins sont reproduits dans le volume. Il semble que des questions de droits concernant les photos demeurent à éclaircir. Bien que Monique Lévi-Strauss et Maurice Olender aient signé un contrat, les échanges avec les représentants du peuple caduveo n’étaient pas finalisés au moment de l’annonce de la parution. Christine Marcandier a précisé : « Nous pensions que le dialogue aboutirait rapidement, mais ce n’a pas été le cas. »
