Scission de Vivendi : la justice rouvre le dossier, les éditeurs au cœur du jeu

Alors que la restructuration du groupe Vivendi avait été présentée comme une stratégie de création de valeur, la justice vient de jeter une ombre sur cette opération d’envergure. En cause : une décision de la Cour d’appel de Paris, qui demande à l’Autorité des marchés financiers (AMF) de revoir sa copie sur le rôle du groupe Bolloré dans cette scission, mettant potentiellement en cause l’équité du processus pour les petits actionnaires.

Une décision qui pourrait bien avoir des répercussions, y compris dans le monde de l’édition, puisque cette scission a donné naissance à Louis Hachette Group, désormais entité indépendante cotée à Paris.

Hachette indépendant… mais à quel prix ?

En décembre 2024, Vivendi actait sa métamorphose en quatre entités autonomes : Canal+ pour les médias, Havas pour la communication, Louis Hachette Group pour l’édition, et la holding Vivendi conservant son ancrage sur Euronext. Officiellement validée par une large majorité d’actionnaires (plus de 97 %), la manœuvre est aujourd’hui contestée sur son fondement même : le contrôle exercé en coulisses par Vincent Bolloré.

La Cour d’appel estime que l’AMF a failli à sa mission en négligeant ce contrôle de fait, qui aurait dû entraîner une offre publique de retrait, c’est-à-dire donner aux petits porteurs la possibilité de vendre leurs actions à un prix juste avant la scission. Cette demande émane du fonds d’investissement CIAM, actionnaire minoritaire, qui dénonce un traitement désavantageux pour les investisseurs non institutionnels.

« Une grande victoire pour les actionnaires minoritaires », déclare Catherine Berjal, associée gérante de CIAM. Pour l’avocat du fonds, Julien Visconti, il ne fait aucun doute : « Bolloré aurait dû permettre une sortie équitable avant la scission. »

Un secteur éditorial secoué par les réorganisations capitalistiques

Du côté du groupe Vivendi, on joue la carte de la légitimité démocratique : selon les calculs fournis, même en excluant les votes du groupe Bolloré, la scission aurait été approuvée par près de 96 % des voix exprimées. Reste que la justice a ordonné un réexamen du dossier, ouvrant potentiellement la voie à des dédommagements.

Cette affaire prend une résonance particulière dans le secteur du livre. Depuis plusieurs années, la concentration de l’édition entre les mains de grands groupes industriels suscite de nombreuses inquiétudes. Hachette, désormais indépendant mais toujours étroitement lié à l’ancienne maison-mère, est au cœur de ces débats. L’année dernière, plusieurs salariés du groupe affichaient déjà leur malaise à « être associés au groupe Bolloré ».

Une opération coûteuse, aux résultats contrastés

Sur le plan financier, les conséquences de la scission sont brutales : près de 6 milliards d’euros de pertes nettes pour Vivendi en 2024, dont 5,875 milliards en pertes comptables liées à la sortie d’actifs. Si Hachette enregistre une croissance de 10 % de son chiffre d’affaires (9,235 milliards d’euros), son bénéfice net chute de 71 %. Canal+ progresse légèrement, tandis que Havas stagne.

L’opération aurait permis à la famille Bolloré, qui détient 30 % de Vivendi, d’économiser quelque 535 millions d’euros d’impôts, en bénéficiant d’un traitement fiscal avantageux sur une partie des actions.

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