Revue Quinzaines : des tensions autour du non-paiement des prestataires

La revue Quinzaines, héritière indirecte de La Quinzaine littéraire fondée en 1966 par François Erval et Maurice Nadeau, traverse une période mouvementée. Depuis plusieurs mois, des correcteurs, maquettistes et collaborateurs extérieurs dénoncent des rémunérations non versées. Une situation pointée publiquement par le syndicat CGT du Livre, qui accuse la direction de la publication, Patricia De Pas, d’une gestion problématique. L’enquête menée par ActuaLitté éclaire les pratiques internes de cette publication littéraire.

Un héritage littéraire entaché par des conflits récurrents

Après le décès de Maurice Nadeau en 2013, la revue, fragilisée, passe sous le contrôle de Patricia De Pas via la société Éditions Nouvelles. Rebaptisée La Nouvelle Quinzaine littéraire, elle devient officiellement Quinzaines en 2019 à la suite d’une décision judiciaire opposant De Pas aux héritiers de Nadeau. Ce changement de nom marque un tournant éditorial, mais aussi une série de ruptures internes.

Plusieurs membres historiques quittent la revue pour fonder En attendant Nadeau, tandis que d’autres dénoncent une restructuration imposée et une perte d’identité éditoriale. Ces divergences s’accompagnent, dans les années suivantes, de tensions avec les prestataires, qui s’accumulent autour du non-paiement de leurs prestations.

Correcteurs et maquettistes face aux retards de paiement

L’enquête d’ActuaLitté révèle plusieurs témoignages concordants de collaborateurs ayant travaillé pour Quinzaines entre 2023 et 2025. Parmi eux :

  • Une maquettiste indépendante affirme n’avoir reçu aucun paiement pour un travail effectué en 2023, malgré une facture de 500 € déposée dans les délais. Elle dénonce un silence prolongé de la direction et des relances ignorées, avant qu’un commissaire de justice ne saisisse les fonds directement en début 2025.
  • Catherine Meeùs, correctrice et éditrice belge, relate une expérience similaire : après des interventions sur six numéros, elle constate l’arrêt brutal de leur collaboration pour un différend mineur. Un dernier paiement reste toujours en attente malgré de multiples sollicitations.
  • Une autre correctrice professionnelle, sollicitée en 2024, indique n’avoir été rémunérée pour aucun des deux numéros sur lesquels elle a travaillé, malgré des échanges laissant croire à un traitement administratif en cours.

Les intervenants évoquent des ruptures de contrat unilatérales, des réponses inexistantes de la part de la direction, et un climat délétère. Le syndicat CGT confirme ces retours et rapporte l’échec de ses tentatives de médiation avec Patricia De Pas.

Une revue fragilisée et un avenir incertain

Malgré une direction éditoriale présentée comme collégiale, plusieurs anciens membres déclarent avoir quitté leur poste, parfois depuis longtemps, et demandé à être retirés de l’ours. Seul Michel Juffé indique avoir été actif sur le contenu éditorial, tout en affirmant ignorer les faits dénoncés par les prestataires.

Sur le plan économique, la revue affiche des signes de fragilité : selon les informations recueillies, le nombre d’abonnés plafonnerait à 2 000, avec une tendance à la baisse depuis plusieurs années. La distribution reste limitée, et Patricia De Pas aurait évoqué une perte de perspectives pour ce type de publication, selon un ancien collaborateur.

Enfin, malgré une réponse menaçante de la direction en 2024, évoquant une plainte à venir contre le syndicat CGT, aucune suite judiciaire n’a été constatée à ce jour.

crédit image : la nouvelle quinzaine