La 37e édition du Prix Goncourt des Lycéens a débuté en septembre dernier avec l’annonce de la première sélection par l’Académie Goncourt. Un mois plus tard, l’association SOS Éducation, proche de l’extrême droite, a exprimé son indignation face à un « contenu inapproprié pour les mineurs » dans l’un des ouvrages sélectionnés, Le Club des enfants perdus de Rebecca Lighieri (P.O.L).
Polémique autour du Prix Goncourt des Lycéens : SOS Éducation dénonce un livre au « contenu pornographique »
L’association SOS Éducation, dans une lettre adressée au Premier ministre Michel Barnier et à plusieurs ministres, dont ceux de la Culture et de l’Éducation nationale, qualifie Le Club des enfants perdus de Rebecca Lighieri (P.O.L) de « contenu pornographique et psychiquement dangereux ». Cet ouvrage, figurant parmi les 14 titres sélectionnés pour le Prix Goncourt des Lycéens, est jugé inapproprié pour les jeunes en raison de ses scènes de sexe jugées « pornographiques » et de son récit marqué par « la dépression adolescente, la consommation de drogues et d’alcool, ainsi que l’autodestruction ».
Paru le 22 août dernier pour la rentrée littéraire, Le Club des enfants perdus, écrit sous le pseudonyme de Rebecca Lighieri par Emmanuelle Bayamack-Tam, explore les relations troublées entre Miranda, 27 ans, et ses parents, un couple de comédiens célèbres. Le livre, salué par la critique, aborde des thèmes complexes tels que les relations familiales dysfonctionnelles et la sexualité, que SOS Éducation juge trop explicites. L’association a inclus dans sa lettre plusieurs extraits pour illustrer ses accusations, dénonçant « une succession d’actes sexuels détaillés, des pratiques scatologiques et sadomasochistes », ainsi qu’« un environnement incestuel banalisé ».
Selon SOS Éducation, la présence d’un tel ouvrage dans les mains des lycéens, avec la caution de l’Éducation nationale, pourrait être interprétée comme une « initiation sourde et malsaine ». Malgré nos tentatives, l’éditeur P.O.L n’a pas répondu à nos sollicitations concernant cette polémique et la sélection de ce livre pour le Prix Goncourt des Lycéens.
SOS Éducation : de la défense de l’apprentissage à la polémique sur les contenus scolaires
Fondée en 2001, l’association SOS Éducation a d’abord axé ses efforts sur les méthodes d’apprentissage de la lecture, plaidant pour l’approche syllabique dans les années 2000. Par la suite, elle a élargi son champ d’action aux contenus des programmes scolaires, notamment en ce qui concerne l’éducation sexuelle et la lutte contre les discriminations liées au genre.
En 2007, elle s’est opposée à l’exposition « Zizi sexuel » qui, mettant en scène le personnage de Titeuf à la Cité des Sciences, visait à éduquer les jeunes sur la sexualité. Par ailleurs, en 2020, un rapport de la Cour des Comptes a souligné que les dépenses de l’association entre 2013 et 2018 n’étaient pas conformes aux objectifs de son appel à la générosité.
SOS Éducation est souvent perçue comme proche de milieux conservateurs et de l’extrême droite. Par exemple, le 4 novembre 2023, sa déléguée générale, Sophie Audugé, a participé à un colloque organisé par le collectif « Parents vigilants », lié au parti Reconquête d’Éric Zemmour. Les préoccupations de l’association rejoignent fréquemment celles de la droite extrême, comme en témoigne le soutien du Journal du Dimanche, un hebdomadaire aux sympathies d’extrême droite, qui a largement relayé sa lettre ouverte.
Dans cette missive, l’association demande à l’Éducation nationale de créer une commission pour vérifier la sélection des livres avant leur étude en classe. Elle évoque le cas de Robin (prénom modifié), un jeune de 14 ans ayant développé des troubles post-traumatiques suite à des lectures qu’il a trouvées perturbantes. Ces préoccupations rappellent celles de la directrice du lycée La Mennais à Ploërmel, en Bretagne, qui a retiré Triste tigre de Neige Sinno du CDI de son établissement pour « protéger les jeunes » de passages jugés « d’une grande violence ».
Le Prix Goncourt des Lycéens : une expérience de lecture encadrée par les enseignants
Créé en 1988, le Prix Goncourt des Lycéens est attribué chaque année par les lycéens eux-mêmes. Environ 2000 élèves, provenant d’une cinquantaine de classes, participent à ce prix. Les établissements soumettent leur candidature, et ceux sélectionnés reçoivent les livres en compétition. Les lycéens disposent ensuite de deux mois pour lire les romans, avec le soutien de leurs enseignants. Pendant cette période de lecture, sept rencontres régionales sont organisées pour favoriser les échanges entre les auteurs et les élèves.
Les livres examinés sont issus de la sélection de l’Académie Goncourt, ce qui les place en concurrence pour le Prix Goncourt et le Prix Goncourt des lycéens. Cette interconnexion entre les sélections est essentielle. Comme l’indique le ministère de l’Éducation nationale, « les thématiques des romans contemporains, et donc de ceux en lice pour le prix Goncourt, sont diverses et reflètent la réalité du monde et de la société ».
Avant de commencer la lecture, les enseignants mènent un travail préparatoire et des discussions avec les élèves, qui se poursuivent tout au long de la lecture. Le ministère souligne l’importance de la médiation assurée par le corps enseignant, en indiquant que « l’organisation du Prix Goncourt des lycéens collabore avec les professeurs pour accompagner cette médiation tout au long de l’année scolaire ».
Ainsi, un livre potentiellement choquant peut être discuté en classe, permettant d’aborder des sujets complexes et délicats. Cependant, le ministère rappelle que « tous les lecteurs ont le droit imprescriptible de ne pas lire un livre ». Aucune lecture n’est obligatoire, et si certains élèves choisissent de ne pas lire un ouvrage, ils en ont pleinement le droit.
Le ministère de l’Éducation nationale assure qu’il reste attentif aux préoccupations soulevées concernant certains romans. Chaque année, l’accompagnement des élèves par les équipes éducatives vise à garantir les meilleures conditions possibles pour leur participation au Prix Goncourt des lycéens.