Pays de la Loire : un secteur du livre fragilisé par l’incertitude

Malgré les inquiétudes initiales, l’annonce du licenciement programmé de l’équipe de Mobilis – pôle régional de coopération pour le secteur du livre en Pays de la Loire – a provoqué une véritable onde de choc. Ce désengagement de la région dans la politique culturelle met en lumière la vulnérabilité des acteurs associatifs professionnels du livre et rappelle à tous leur fragilité.

Réductions budgétaires et conséquences pour la culture

Dès les premières annonces de Christelle Morançais, présidente de la région Pays de la Loire et membre d’Horizons (le parti d’Édouard Philippe), concernant des réductions drastiques des dépenses publiques, les acteurs culturels ont mis en garde contre les retombées économiques et sociales d’une telle casse budgétaire. En seulement deux ans, le budget régional doit être réduit de 100 millions €, dont 82 millions € dès 2025. Le secteur culturel se voit ainsi pénalisé par la suppression de multiples subventions.

L’impact direct sur Mobilis et le secteur du livre

Mobilis, le pôle régional de coopération des acteurs du livre et de la lecture, subit de plein fouet cette politique de réduction. La structure perd 101 250 € de son budget annuel, une perte qui atteindra 142 500 € en 2026. Face à l’urgence de trouver de nouvelles sources de financement, Mobilis se voit contraint de licencier l’ensemble de ses 5 salariés dès juin prochain. Bien que l’association ne disparaisse pas, l’essentiel de ses actions sera affecté. Les missions auparavant assurées par des professionnels seront désormais reprises par des bénévoles, dont l’investissement, aussi important soit-il, ne compensera pas totalement le travail réalisé.

Annulation d’actions et perturbations des projets régionaux

Le retrait des subventions entraîne également l’annulation de plusieurs actions publiques du pôle. Par exemple, le projet « Lire en circuit court » – le mois du livre ligérien organisé en novembre en partenariat avec l’ALIP (Association des Librairies Indépendantes en Pays de la Loire) et Coll.LIBRIS (Collectif d’éditeurs des Pays de la Loire) – est définitivement annulé. De même, les Journées du patrimoine écrit, prévues en juin à Nantes, ne pourront avoir lieu.

Réactions et inquiétudes des acteurs associatifs

Sans la présence de salariés, Mobilis perd une coordination essentielle, ce qui affaiblit le secteur du livre en Pays de la Loire. L’ALIP et Coll.LIBRIS, deux structures partenaires clés, se retrouvent privées d’un allié stratégique. Frédéric Fourreau, président de Coll.LIBRIS et fondateur de Patayo Éditions, décrit la situation comme un « choc » et souligne que l’approche commune avec l’ALIP et Mobilis est désormais « en panne complète et sans aucune visibilité ».

Pour Sébastien Pitault, président de l’ALIP (Librairie Lhériau, Angers), cette décision met en péril l’avenir de l’association. Il ajoute que la réduction de 45 % du budget, nécessitant une augmentation de la cotisation des libraires, complique davantage la situation, surtout lorsqu’une étude de 2024 montre qu’un libraire indépendant sur quatre ne se rémunère pas correctement.

Stratégies et mesures d’urgence pour la relance

Face à cette crise, l’ALIP envisage de solliciter le Centre national du livre ainsi que la Sofia (Société française des intérêts des auteurs de l’écrit) pour obtenir un accompagnement financier. Un appel au mécénat est également envisagé, avec la mise en place de bons d’achat à utiliser dans les librairies régionales et la création d’un groupement professionnel pour négocier des remises auprès des distributeurs.

Du côté des éditeurs, Frédéric Fourreau estime que le futur de Coll.LIBRIS reste stabilisé jusqu’à la fin de l’année. Cela se traduit notamment par la réorganisation du poste salarié, réduit de 80 % à 40 % et mutualisé avec le projet OPlibris porté par la Fédération des éditeurs indépendants (FEDEI). La subvention maintenue par la Direction régionale des affaires culturelles et la trésorerie de la structure professionnelle offrent ainsi un répit temporaire.

Menaces sur d’autres actions culturelles et perspectives d’avenir

La diminution des subventions aura également pour effet de réduire certaines actions. Par exemple, l’ALIP ne pourra financer qu’un seul dispositif « Conseil et Expertise » en 2025, au lieu de deux, et devra mettre en pause des initiatives telles que « Du raisin, des bouquins », qui associe le livre et le terroir viticole. De plus, les formations professionnelles pour les libraires et le programme « Jeunes en Librairie » risquent de subir d’importantes restrictions, voire une suspension si la Région se désengage pour l’année scolaire à venir.

Le portail commun de réservation de livres, jusque-là partiellement financé par l’association, est également remis en cause. Désormais, chaque librairie devra assumer le coût intégral auprès du prestataire Tite Live, ce qui inclut les frais de mise à jour des informations et l’entretien du site intranet.

Un climat de morosité et la volonté de résistance

Le retrait des subventions fragilise les associations professionnelles du livre et limite leur capacité à mener à bien leurs missions, ce qui provoque un sentiment général de morosité. Le président du collectif des éditeurs en Pays de la Loire déclare que « affaiblir les associations professionnelles autour du livre n’est pas la meilleure façon de promettre un avenir joyeux », d’autant plus que la région forme de nombreux étudiants dans ce domaine, interrogeant ainsi la stratégie globale du territoire.

Malgré ces défis, l’esprit de résistance demeure fort. Un salon est d’ores et déjà prévu cet automne à Nantes pour démontrer que la lecture est un bien commun d’intérêt général et pour relancer les initiatives culturelles en Pays de la Loire.

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