Les quais de Seine risquent de voir disparaître leurs emblématiques bouquinistes. Bien qu’ils soient une composante essentielle du paysage visuel et culturel de la capitale, cette profession peine à attirer de nouveaux acteurs. En septembre 2024, la mairie de Paris a lancé un appel à candidatures pour remplir les 16 emplacements de bouquinistes vacants. Or, au 26 septembre, seules 5 personnes avaient postulé…
L’avenir incertain des bouquinistes parisiens : un appel à candidatures alarmant
« L’avenir ne s’annonce pas sous de bons auspices », déclare Jérôme Callais, Président de l’association culturelle des bouquinistes de Paris. Inquiet face au faible nombre de réponses à l’appel à candidatures lancé par la Ville de Paris un mois auparavant — seulement 5 en 2023, contre 71 en 2022, selon Sortir à Paris — il dresse un constat peu encourageant de la profession, mettant en avant sa fragilité croissante.
Cette situation est principalement attribuée à la précarité grandissante du métier, exacerbée par la politique de la Ville envers les bouquinistes. Pour mémoire, à la fin juillet 2023, la préfecture de Police avait annoncé son intention de déplacer les bouquinistes des quais de Seine pour des « raisons de sécurité liées aux Jeux olympiques de 2024 ». Cette décision avait été vivement contestée par les professionnels, qui y voyaient une menace directe à leur activité. Finalement, le Président Emmanuel Macron avait fait marche arrière le 13 février 2023.
« Si nous avons reçu si peu de candidatures, c’est parce que la Ville de Paris a annoncé les emplacements sans nous prévenir ni nous consulter », déplore Jérôme Callais. Par conséquent, l’association estime avoir eu « trop peu de temps » pour diffuser l’information et permettre une candidature adéquate. « Un mois, c’est insuffisant », insiste-t-il, bien que la Ville ait finalement prolongé le délai d’une semaine, jusqu’au 21 octobre 2024.
« Ce manque de communication entraîne une véritable lacune dans la transmission des savoirs », poursuit-il. Malgré les efforts de la SLAM (Syndicat national de la Librairie Ancienne et Moderne), qui a mis en place une formation dédiée à la librairie ancienne, le métier demeure mal compris malgré ses exigences. « Nous avons reçu des dossiers qui n’étaient pas en rapport avec le métier. Mais nous, nous voulons des candidats passionnés, car c’est une profession qui nécessite de l’engagement », conclut-il, fidèle amoureux des lettres.
Passion contre précarité : les bouquinistes face à une situation financière difficile
La passion, hélas, ne suffit pas à compenser l’absence de revenus conséquents. Cette situation financière précaire peut dissuader de nombreux candidats, en particulier les plus jeunes. « 85 % des bouquinistes ont plus de 50 ans », souligne Jérôme Callais. Il explique : « La plupart ont choisi ce métier après avoir eu des enfants et réglé toutes les dépenses qui en découlent », ce qui rend difficile le fait d’assumer de telles charges avec les revenus de cette profession.
Pour compenser le manque de bénéfices, certains bouquinistes ont choisi de vendre des produits touristiques, qui offrent des marges plus intéressantes et un attrait immédiat. Depuis lors, les miniatures de la tour Eiffel et autres souvenirs ont envahi leurs stands, transformant ces librairies en boutiques touristiques ambulantes. « En vendant des souvenirs, les clients viennent de moins en moins », se désole l’un d’eux.
Cependant, ces bouquinistes doivent respecter un règlement strict, établi par la Ville et modifié en 2019. Selon l’arrêté municipal régissant leur activité, parmi les quatre types de boîtes disponibles pour la vente, une seule peut être utilisée « pour la vente de monnaies, médailles, timbres-poste, objets de petite brocante, cartes postales, souvenirs de Paris et certains supports de communication et de diffusion culturels de techniques anciennes ».
Bouquinistes parisiens : entre nécessité et dérives, un appel à la préservation
« Ces produits et souvenirs sont essentiels à la survie de nombreux bouquinistes », souligne un professionnel, rendant leur présence indispensable. « Cependant, certains en abusent », précise-t-il sans vouloir porter de jugement. « Si la réglementation n’est pas respectée, cela compromet l’avenir de la profession, risquant même de la faire disparaître. Ce n’est pas à nous, en tant qu’association, de faire appliquer la loi », déclare le Président de l’association.
En attendant, dans l’espoir de préserver leur métier et d’attirer de nouvelles vocations, les bouquinistes de Paris ont soumis une candidature à l’UNESCO. Ils souhaitent faire reconnaître leur activité comme patrimoine immatériel mondial pour protéger ce savoir-faire emblématique et inciter les nouvelles générations à s’y engager.