Deux filiales du groupe Lagardère, Lagardère Media et Hachette Livre, désormais intégrées à la holding Louis Hachette Group, font actuellement l’objet de redressements fiscaux importants, révèle La Lettre. Le ministère de l’Économie a notifié à ces entreprises des rectifications fiscales s’élevant respectivement à 189,9 millions d’euros pour Lagardère Media et 6,5 millions d’euros pour Hachette Livre.
Cette affaire intervient dans un contexte déjà tendu, alors que la Cour d’appel de Paris a récemment imposé à l’Autorité des marchés financiers (AMF) un réexamen des conditions entourant la scission controversée du groupe Vivendi.
Une augmentation de capital contestée par l’administration fiscale
Selon les informations disponibles, l’administration fiscale reproche à Lagardère Media une opération d’augmentation de capital réalisée peu avant une cession, opération ayant permis de déduire une moins-value fiscale significative, estimée à l’époque entre 210 et 240 millions d’euros.
Cette dépréciation immédiate a été rejetée par le fisc, entraînant un redressement fiscal de 189,9 millions d’euros imposé à Lagardère Media.
Erreur sur l’application de la TVA pour Hachette Livre
Pour Hachette Livre, le redressement fiscal notifié en décembre 2024 concerne une erreur d’application du taux de TVA. L’entreprise aurait appliqué le taux réduit de 5,5 % réservé exclusivement aux livres, à des produits relevant normalement du taux normal de 20 %.
L’administration fiscale estime que, entre le 1er janvier 2021 et le 6 décembre 2024, Hachette Livre a enfreint les règles fiscales relatives à la TVA, ce qui lui vaut un redressement de 6,5 millions d’euros.
Louis Hachette Group : une holding aux activités multiples
Désormais sous la direction de Vincent Bolloré, Louis Hachette Group réunit plusieurs secteurs clés :
- Lagardère Publishing (édition), avec Hachette Livre.
- Lagardère Travel Retail (distribution en lieux de transit).
- Lagardère News (Le Journal du Dimanche, Elle…).
- Lagardère Radio (Europe 1, Europe 2, RFM).
- Lagardère Live Entertainment (Casino de Paris, Folies Bergère, Arkéa Arena à Bordeaux, Arena du Pays d’Aix).
- Prisma Media (éditeur de presse magazine et numérique, avec plus de 40 marques).
Une scission sous haute surveillance judiciaire
Récemment, la Cour d’appel de Paris a remis en question une décision de l’AMF liée à la scission du groupe Vivendi, désormais divisé en quatre entités distinctes : Canal+ (Londres), Havas (Amsterdam), Louis Hachette Group (Paris, Euronext Growth) et Vivendi (Paris).
La Cour juge notamment que Vincent Bolloré exerce un contrôle réel sur Vivendi, contrairement à la position prise en novembre 2024 par l’AMF. Ce contrôle aurait dû conduire Bolloré à lancer une offre publique de retrait. La Cour ordonne donc à l’AMF de réexaminer le dossier pour « défaut de motivation ».
L’action en justice avait été initiée par le fonds d’investissement Ciam, représenté par Catherine Berjal, qui salue une « grande victoire pour les actionnaires minoritaires ».
Vivendi assure « prendre acte » de cette décision, tout en rappelant que la scission a été approuvée par 97,5 % des actionnaires, et à 95,7 % sans compter Bolloré.
Des résultats financiers contrastés en 2024
En 2024, Lagardère a affiché un chiffre d’affaires de 8,94 milliards d’euros (+8,5 %) et un résultat opérationnel de 593 millions d’euros (+14 %), son meilleur niveau en quinze ans. Le chiffre d’affaires de Lagardère Publishing atteint 2,87 milliards d’euros (+2,2 %), avec un recul notable de 3 % en France malgré deux prix littéraires majeurs, compensé par de bonnes performances aux États-Unis et au Royaume-Uni.
Vivendi, pour sa part, affiche une baisse significative avec 297 millions d’euros de chiffre d’affaires (-4,9 %) et une perte nette de près de 6 milliards d’euros, due principalement à la scission de ses activités clés (Canal+, Havas, Louis Hachette Group).
Louis Hachette Group réalise, lui, un chiffre d’affaires en forte croissance à 9,235 milliards d’euros (+10 %), avec un résultat opérationnel de 510 millions d’euros (+20 millions), mais un bénéfice net en chute drastique à seulement 13 millions d’euros (-71 %).
Une économie fiscale substantielle pour la famille Bolloré
La scission du groupe, effective depuis décembre dernier, aurait permis à la famille Bolloré, propriétaire de 30 % du capital, d’économiser environ 535 millions d’euros en impôts. Cette économie fiscale repose sur un dispositif avantageux qui considère deux tiers des actions distribuées comme des remboursements de capital, exemptés d’imposition.