Une large partie de l’offre des bibliothèques publiques est désormais dématérialisée : les usagers peuvent accéder à distance à des livres, des ressources d’autoformation, des jeux vidéo, de la musique ou des films. Cependant, ces contenus sont onéreux, et les négociations avec les fournisseurs restent complexes. La Bibliothèque publique d’information soutiendra désormais les établissements dans leurs décisions d’acquisition.
La Bpi, nouveau soutien national pour l’acquisition de ressources numériques
Dans un communiqué, la Bibliothèque publique d’information (Bpi) annonce qu’à partir de janvier 2025, elle assumera une mission nationale « pour accompagner les bibliothèques de lecture publique dans l’acquisition de ressources numériques ».
Ce nouveau rôle résulte d’une redéfinition concertée avec le ministère de la Culture et marque la fin de l’ancienne configuration, dans laquelle la Bpi intervenait sous une convention avec l’association Réseau Carel.
Accompagnement, négociation, évaluation
La mission nationale confiée à la Bpi vise plusieurs objectifs, notamment celui d’accompagner les bibliothèques publiques « dans leur compréhension, gestion et réflexion sur les ressources numériques payantes ». Pour ce faire, la Bpi mettra à disposition des outils et des aides destinés à informer les professionnels du secteur tout en encourageant les éditeurs de ressources numériques à adapter leur offre aux besoins des établissements.
En outre, la Bpi animera un espace de dialogue « entre bibliothécaires eux-mêmes, mais aussi entre bibliothécaires et fournisseurs de ressources numériques ». L’objectif sera de négocier des conditions d’accès optimales aux ressources numériques, dont le coût représente un poste de dépense important pour les budgets des établissements.
Par ailleurs, la Bpi constituera et pilotera un Comité d’évaluation des ressources numériques, chargé d’analyser les offres (contenus éditoriaux, caractéristiques techniques des services) et de publier un catalogue de ressources numériques référencées. Ce catalogue, accessible sur le site professionnel de la Bpi, sera enrichi de fiches synthétiques incluant les évaluations et les négociations tarifaires, fondées sur les travaux de groupes d’utilisateurs thématiques.
La Bpi annonce sa mission nationale alors que les bibliothèques dénoncent les coûts du numérique
Par un curieux concours de circonstances — ou non —, l’annonce de la Bpi sur sa nouvelle mission nationale a coïncidé avec la publication d’une tribune signée par plusieurs associations professionnelles des bibliothèques, intitulée « Pour une offre numérique adaptée et de qualité en bibliothèque publique ».
Dans ce texte, les signataires alertent sur les difficultés croissantes auxquelles les bibliothèques font face avec l’essor du numérique, citant des « modèles économiques peu favorables » aux établissements publics et aux collectivités. En effet, les modalités tarifaires des fournisseurs de ressources numériques offrent peu de flexibilité budgétaire, compromettant ainsi l’accès de ces contenus au plus grand nombre.
Les modèles de tarification à l’acte, bien qu’adaptés aux usages réels, sont rarement compatibles avec les budgets annuels des collectivités et peuvent coûter davantage par utilisateur. De leur côté, les formules d’abonnement, calculées sur une base théorique d’usagers potentiels, sont souvent éloignées de la réalité du nombre d’utilisateurs actifs.
Selon une étude du ministère de la Culture de 2022, seules 14 % des bibliothèques négociaient leurs achats de ressources numériques, alors que ces budgets représentent en moyenne 22 % de leurs fonds disponibles (soit environ 41 874 €). Durant la pandémie de Covid-19, période pendant laquelle les ressources numériques ont connu un engouement, ces budgets ont progressé de 5 % entre 2020 et 2021, notamment pour les établissements de plus de 20 000 habitants.
Face à la flambée des coûts, certains établissements ou regroupements de bibliothèques ont dû instaurer des limitations d’accès pour leurs usagers (comme un nombre restreint de prêts par mois) afin de réduire les dépenses totales.
La mission nationale de la Bpi questionne l’avenir du Réseau Carel
À partir de janvier 2025, la mission nationale confiée à la Bpi soulève des interrogations quant à l’avenir du Réseau Carel, qui assurait depuis 2012 un rôle essentiel d’accompagnement des bibliothèques dans le domaine des ressources numériques. Créée sous forme d’association, cette structure regroupe des bibliothèques publiques, des collectivités territoriales et divers établissements publics.
Il y a une dizaine d’années, le Réseau Carel avait pris le relais du service de coopération de la Bpi pour animer le dialogue entre les bibliothèques publiques et les éditeurs de ressources numériques.
Nous avons sollicité la Bpi et le Réseau Carel pour connaître les implications de cette nouvelle mission et les moyens qui y seront consacrés, mais n’avons pas encore obtenu de réponses.