Être scribe n’était pas simplement un métier privilégié ; de nombreux aspects de leur condition étaient marqués par une réalité difficile. Une étude récente, parue dans les Scientific Reports le 27 juin 2024, offre de nouvelles perspectives sur cette fonction souvent choisie au détriment de la santé. Zoom sur le métier intrigant et apparemment méconnu de scribe pendant l’Ancien Empire : une profession en bonne santé ?
Les scribes de l’Ancien Empire : entre statut élevé et conséquences sur la santé
Dans l’Ancien Empire (environ 2700 à 2200 av. J.-C.), les scribes étaient une ressource précieuse, étant donné la rareté des individus alphabétisés (environ 1 % selon les recherches des égyptologues britanniques John R. Baines et Christopher Eyre). Grâce au pouvoir conféré par leur rôle administratif, les scribes bénéficiaient d’un statut social élevé.
Cependant, l’étude publiée dans les Scientific Reports par Petra Brukner Havelková, Veronika Dulíková, Šárka Bejdová, Jana Vacková, Petr Velemínský et Miroslav Bárta brise ce mythe. Elle révèle que la répétition de leurs tâches en position assise avait des répercussions néfastes sur leur santé.
Scribes de l’Ancien Empire : les traces de l’usure physique révélées par l’archéologie
L’analyse des restes squelettiques de 69 hommes adultes inhumés dans la nécropole d’Abousir entre 2700 et 2180 av. J.-C. a révélé des signes distincts d’usure osseuse chez les scribes. Bien qu’ils n’aient pas participé aux guerres ni transporté de charges lourdes, les secrétaires présentaient une prévalence accrue d’arthrose aux articulations de la mâchoire, de l’épaule droite, du pouce droit, du genou droit et de la colonne vertébrale, particulièrement au niveau du cou.
Les chercheurs ont également observé des signes de stress physique sur l’humérus, la hanche gauche, les rotules et la cheville droite. Ils notent cependant que ces lésions pourraient être attribuées à l’âge avancé des scribes au moment de leur décès.
Les séquelles physiques des scribes de l’Ancien Empire : révélations archéologiques sur les conditions de travail
Ces résultats confirment l’exactitude des représentations murales de l’époque, montrant les scribes accroupis ou en tailleur, les bras non soutenus et la tête penchée en avant, une position qui mettait une forte pression sur la colonne vertébrale. Commencant souvent leur carrière à l’adolescence, les scribes travaillaient de longues heures et pendant des années, ce qui inévitablement menait à des problèmes de dos, de mâchoire et de main.
Les observations concernant la mâchoire peuvent être expliquées par l’usage du pinceau. Utilisant des calames en roseaux, les scribes devaient les mâcher pour former la pointe. Lorsque le calame s’effilochait ou se bouchait, ils devaient couper et mâcher une nouvelle section, une opération fréquente selon Petra Brukner Havelková du Musée national de Prague.
Selon cette même source, il est plausible que les scribes aient souffert de luxations de la mâchoire et de maux de tête. Les dommages observés au pouce droit pourraient être liés à la manipulation du calame, nécessitant une grande dextérité. Quant au syndrome du canal carpien, il est possible qu’ils en aient été également victimes, bien que cela ne puisse être confirmé par l’analyse osseuse.