Les décisions imprévisibles de Donald Trump en matière de tarifs douaniers inquiètent les professionnels de l’édition, malgré une exemption temporaire des livres. Imprimeurs, éditeurs et libraires craignent des conséquences à la fois économiques et culturelles, à court comme à long terme.
Une politique douanière erratique aux effets mondiaux
Depuis début avril 2025, Donald Trump multiplie les annonces contradictoires sur la taxation des importations. Un droit de douane plancher de 10 % a été appliqué à l’ensemble des produits étrangers, avec des modulations selon les pays. Cette instabilité a entraîné une forte inquiétude sur les marchés et une incertitude persistante pour de nombreux secteurs économiques.
Dans l’univers du livre, cette stratégie floue suscite des réactions mitigées. « C’est le caractère chaotique et imprévisible de ces mesures qui déstabilise le plus », explique François Vigneault, directeur marketing de la maison d’édition québécoise Pow Pow, dans le Comics Journal. Le manque de visibilité empêche toute planification, d’autant que les prix de vente risquent d’augmenter rapidement.
Le livre (temporairement) épargné, mais pour combien de temps ?
Pour l’instant, les livres – qu’il s’agisse de romans, bandes dessinées ou mangas – semblent exemptés des nouveaux droits de douane. Cette exception ne découle pas d’un choix politique, mais d’une obligation légale : la loi IEEPA (International Emergency Economic Powers Act) interdit toute mesure douanière qui pourrait restreindre l’accès à l’information, protégé par le Premier amendement.
Mais cette protection a ses limites. De nombreuses impressions d’ouvrages ont lieu à l’étranger, notamment en Asie, ce qui expose les chaînes de production à une hausse du coût des matières premières ou des pièces mécaniques, qui, elles, ne sont pas exemptées.
Menace sur les subventions culturelles et les voix marginalisées
Parallèlement aux mesures économiques, l’administration Trump mène une attaque frontale contre le financement public de la culture. Son projet de budget 2026 prévoit la suppression d’agences clés comme la National Endowment for the Arts (NEA) et l’Institute of Museum and Library Services (IMLS). Ces institutions soutiennent pourtant la création littéraire, les petites maisons d’édition et l’accès à la culture dans les zones les plus défavorisées.
Certains éditeurs ont déjà reçu des avis de résiliation de subventions, effectifs au 31 mai 2025. Pire encore, les nouvelles règles imposées à la NEA excluent désormais les projets liés à la diversité, à l’équité et à l’inclusion.
Une crise culturelle et économique en gestation
Les professionnels du livre redoutent un effondrement progressif de l’écosystème éditorial. Au Canada comme aux États-Unis, les libraires et éditeurs indépendants risquent de ne plus tenir financièrement. « Les marges sont déjà très faibles, et tout choc externe menace cet équilibre », alerte John Degen, directeur de la Writers’ Union of Canada, dans l’Edmonton Journal.
Selon lui, un effet domino est inévitable : fermetures de librairies, arrêt d’activités éditoriales, perte d’emplois pour les auteurs et une offre culturelle amoindrie pour le grand public.
Baisse du pouvoir d’achat et repli économique
La situation générale se détériore également pour les consommateurs. Les prix à la consommation augmentent sensiblement, notamment dans les supermarchés américains, où les clients signalent une hausse marquée des dépenses quotidiennes. D’après le ministère du Commerce, le PIB des États-Unis a reculé de 0,3 % au premier trimestre 2025. Donald Trump attribue cette baisse à la précédente administration, sans évoquer ses propres décisions.
Entre incertitude douanière, coupes budgétaires et hausse généralisée des prix, le secteur du livre se retrouve en première ligne d’une guerre économique qu’il n’a pas choisie. Et malgré les protections légales actuelles, rien ne garantit que les droits fondamentaux liés à l’accès à la culture résisteront à long terme.