Le 4 janvier 2025, Ann Telnaes, caricaturiste primée au prix Pulitzer et collaborant avec le Washington Post depuis 2008, a annoncé sa démission. La raison de cette décision : le refus du journal de publier l’une de ses caricatures satiriques, dans laquelle elle représentait Jeff Bezos, propriétaire du média.
Ann Telnaes démissionne du Washington Post après le refus de publier sa caricature critique de Jeff Bezos et des magnats des affaires
Le 4 janvier 2025, Ann Telnaes a annoncé sa démission sur la plateforme Substack, soulignant que le refus de publier l’une de ses caricatures marquait un « tournant » et était « dangereux pour une presse libre ». Dans cette caricature, elle critiquait les « milliardaires des entreprises technologiques et médiatiques » qui, selon elle, ont cherché à courtiser le président élu Donald Trump, en soulignant leur possession de « contrats gouvernementaux lucratifs » et leur désir d’éliminer les régulations.
Elle représentait Jeff Bezos, Mark Zuckerberg (Meta) et Sam Altman (OpenAI) agenouillés devant une statue de Trump, offrant des sacs d’argent. Mickey Mouse apparaissait également prosterné. Cette œuvre visait à illustrer les liens financiers entre ces magnats et Trump, qui avait notamment reçu un don de 1 million de dollars de Bezos pour son fonds d’inauguration.
Le Washington Post avait récemment été au centre d’une controverse après avoir décidé de ne soutenir aucun candidat à la présidentielle américaine, une position inédite depuis 1988. Cette neutralité, influencée par son propriétaire Jeff Bezos, avait entraîné la perte de 250 000 abonnés, des démissions et des accusations d’ingérence. Bezos avait justifié cette décision en expliquant que le soutien à un candidat crée une perception de partialité et de non-indépendance.
Ann Telnaes dénonce la censure de sa caricature par le Washington Post, mettant en lumière des tensions éditoriales
Ann Telnaes, caricaturiste réputée pour son indépendance éditoriale, déclare avec fermeté : « Pendant tout ce temps, je n’ai jamais eu une caricature censurée à cause de qui ou de quoi je choisissais de viser avec mon crayon. Jusqu’à maintenant. » Si cette censure marque un tournant, elle n’est pourtant pas la première du genre. En 2015, le Washington Post avait retiré une caricature la montrant mettant en scène les filles du sénateur texan Ted Cruz en singes, en raison de la politique éditoriale du journal visant à ne pas impliquer les enfants dans ses caricatures.
Lauréate du prix Pulitzer en 2001, Ann Telnaes est l’une des rares femmes à avoir reçu cette distinction dans le domaine du dessin de presse. Elle a également remporté des prix prestigieux comme celui de la National Cartoonists Society en 2016, et le prix Reuben l’année suivante.
David Shipley, rédacteur en chef de la page éditoriale du Washington Post, a justifié, auprès de la BBC, la non-publication de la caricature par la nécessité d’éviter la répétition plutôt que par une censure liée à son contenu critique. « Je respecte Ann Telnaes et tout ce qu’elle a apporté au Post, mais je dois être en désaccord avec son interprétation des événements », a-t-il expliqué, soulignant qu’une chronique sur le même sujet avait déjà été publiée et qu’une autre, satirique, était en préparation.
Cette situation survient alors que, sous la pression de Donald Trump, Mark Zuckerberg et Meta ont récemment reconnu avoir « un peu exagéré », cherchant à apaiser les tensions avec le président élu.