En Italie, d’après une enquête de l’Associazione Italiana Editori (AIE), 14 % des Italiens âgés de 15 à 74 ans affirment avoir écouté au moins un livre audio au cours de l’année écoulée, tandis que les podcasts séduisent plus d’un Italien sur quatre. Quelle est la perspective de développement pour cette forme de lecture ?
Podcasts et livres audio : une passerelle vers la lecture ?
En 2023, le pourcentage d’Italiens ayant écouté des livres audio reste stable par rapport aux années précédentes, bien qu’en légère baisse : 14 % contre 15 % en 2023 et 16 % en 2022. En revanche, l’écoute de podcasts est deux fois plus répandue, touchant 28 % de la population. Cette pratique est particulièrement populaire chez les hommes (31 % contre 24 % des femmes) et les jeunes (45 % des 18-24 ans).
Pour mettre ces chiffres en perspective avec la France, le Baromètre 2023 sur les usages des livres imprimés, numériques et audio (SOFIA/SNE/SGDL) révèle qu’environ 5 millions de Français de plus de 15 ans ont écouté un livre audio physique et 4 millions un livre audio numérique au cours de l’année écoulée. Comme en Italie, les auditeurs sont majoritairement jeunes et masculins.
Un point marquant réside dans le lien entre podcasts et achat de livres. Parmi les 12,4 millions d’Italiens ayant écouté des podcasts, près d’un tiers (31 %) a acheté un livre sur un sujet abordé dans un podcast. Cela souligne le rôle potentiel des podcasts comme vecteurs de promotion de la lecture.
Livres, podcasts et télévision : une coexistence difficile ?
Marino Sinibaldi, éditeur du podcast Timbuctu (Il Post), qui explore les liens entre livres et actualité, et ancien président du Cepell (Centro per il libro e la lettura), est intervenu lors d’une rencontre organisée par l’AIE à Più libri più liberi à Rome en décembre 2024.
Au cours de cet échange, il a souligné l’avantage unique des médias audio, tels que les podcasts et les livres audio, qui permettent de consommer du contenu tout en réalisant d’autres activités. Il a également abordé la tension entre télévision et lecture, mettant en lumière l’absence, en Italie, d’une émission grand public dédiée à la lecture, comme La Grande Librairie en France.
Selon Sinibaldi, cette lacune s’explique par la nature même de la lecture, qu’il qualifie de « moment totalement anti-télévision ». « Le livre vit de l’absence d’image, son charme réside aussi dans l’effort qu’il demande », a-t-il confié au Giornale della Libreria.
Livres audio en Italie : un marché à fort potentiel, mais sous-exploité
Bien qu’il soit difficile d’évaluer précisément la valeur du marché des livres audio en Italie, notamment en raison de l’absence de données d’Amazon, Riccardo Cavallero, éditeur de la plateforme de streaming Voxa, le qualifie de « restreint ». Ce marché dispose néanmoins d’importantes marges de croissance. En effet, la lecture n’étant pas encore une activité largement répandue dans le pays, où elle reste principalement le domaine d’un noyau de grands lecteurs, elle offre de vastes perspectives de développement.
Cependant, Cavallero souligne que les éditeurs investissent encore trop peu dans les produits audio. Ce manque d’engagement s’explique notamment par l’absence de soutien public et par les coûts élevés nécessaires à la production de contenus tels que les podcasts.
Plateformes et abonnements : une double opportunité et un risque pour les éditeurs
Riccardo Cavallero souligne que, « en l’absence d’aides, les petits et moyens éditeurs s’appuient sur les plateformes, mais se trouvent contraints par des contrats d’exclusivité ». Cette situation favorise la création de « monopoles de distribution », limitant la diversité et l’autonomie des acteurs.
En France également, l’abonnement aux plateformes de lecture et d’écoute connaît une croissance significative. En 2023, 47 % des lecteurs de livres numériques et 68 % des auditeurs de livres audio numériques étaient abonnés à une plateforme.
Le potentiel de ce marché reste considérable : selon le Syndicat national de l’édition, 50 % des utilisateurs de livres numériques ou audio numériques non abonnés se disent intéressés par une offre d’abonnement. Cela reflète une opportunité majeure, mais pose aussi la question des conséquences sur la concurrence et l’équilibre du marché éditorial.